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La Machine Détemporelle | Par Yvain Von Stebut

Œuvre ADN 2025

Avez-vous du temps à perdre ? Quelques minutes ? Une heure ? Ou plus encore ? N'avez-vous pas envie d'appuyer sur le bouton pause ? Partagez-vous notre besoin de respirer ? De prendre tout simplement le temps ? De reconsidérer nos besoins essentiels quand la pensée dominante ne jure que par la croissance, la compétitivité et l'accélération. Auriez-vous un conseil à nous donner ? Un truc pour se sentir vivre autrement. Et pas comme un ensemble de données personnelles, une adresse IP, ou une case dans le tableur d'une administration. N'avez-vous pas une histoire à nous raconter ? Une expérience à partager ?

La machine détemporelle est longtemps restée une esquisse mêlant rêveries créatives, quête existentielle et regard critique sur le monde... jusqu'au lundi 9 décembre 2024 où elle a commencé à prendre une forme tangible.

À l'origine de ce projet, l'idée de reprendre une conversation initiée il y a plus de dix ans autour des réalités socioculturelles de différents territoires. Une conversation polyphonique où se sont croisées les voix d'habitantes et d'habitants du Haut-du-Lièvre à Nancy.

Des voix diffusées, mixées et remixées pendant les 9 années de programmation de l'émission Micronomade sur RCN la radio associative du quartier. Des témoignages, des histoires, des analyses, des expérimentations qui interrogeaient toujours peu ou prou nos manières de cohabiter et les possibilités de réinventer le quotidien en prenant le temps de s'écouter, de s'entendre et de coopérer. Ces portraits sonores ont été diffusés sous plusieurs formes. Et notamment au moyen de machines que nous avons fabriquées à partir de composants et de technologies libres de droits. À cette époque nous partagions avec Thomas Girod le goût de la musique électronique et du sampling, du logiciel libre et des habitats alternatifs, des imaginaires cyber punk et du bricolage.

À l'invitation du Musée des Beaux Arts de Nancy, nous reprenons aujourd'hui la conversation en posant une simple question : "comment vont vos utopies ?" Comme si l'on prenait des nouvelles d'une personne très proche et comme s'il était important de s'assurer que ses imaginaires et les nôtres sont encore habités par des utopies.

Pour répondre à cette question il nous fallait une machine détemporelle. Nous partageons cette réflexion avec Jérémy Schwartz, architecte-complice de longue date.La machine détemporelle s'inscrit, en effet, dans une lignée de constructions éphémères initiées avec l'association

SprayLab à partir de l'année 2000 : laboratoire, centre de documentation, Ôtre Ville, Cabane sonore sur les marchés... notre machine détemporelle prend aujourd'hui la forme d'une flex yourte radiophonique. Un espace de diffusion qui flirt avec le sound system intimiste. Ici les voix et les récits se confondent tout comme les périodes, au fil d'improvisations musicales et d'échanges avec le public.

Vingt cinq années années d'explorations sonores, visuelles et architecturales résonnent ici. Mais peut-être faut-il aller chercher encore plus en profondeur l'origine de cette étincelle créative pour se ressourcer et remettre sur le métier nos imaginaires et nos sensibilités.

La machine détemporelle entremêle les sons, les expériences et les histoires à une toute petite échelle. C'est à partir de cet espace minuscule, déconnecté des serveurs mais enraciné dans l'humus de nos rencontres et dans les entrelacs de nos parcours que reprend forme notre soif de connaissance et notre désir d'émancipation.

Je sais, je m'enflamme et la machine détemporelle prend ici des allures de manifeste. Si vous avez envie de contredire ces envolées utopistes n'hésitez surtout pas à nous rejoindre. Il est vrai que pour certaines personnes le mot utopie est devenu désuet, galvaudé et même dangereux. Pour nous il désigne encore la capacité à se projeter dans des récits stimulants à échafauder de nouvelles actions ou à poursuivre des intuitions et des aventures puissantes. Et quand on y regarde de prêt, en explorant nos territoires de proche en proche, l'utopie n'est jamais très loin. Elle est bien palpable et tout à fait réaliste. Mais là aussi, tout est une question d'échelle. Ces utopies doivent sans doute rester confidentielles, mais si nous pouvions contribuer à les rendre contagieuses.

Yvain Von Stebut

 

Retrouvez La Machine Détemporelle le dimanche 6 avril, à partir de 8h, au marché du Haut-du-Lièvre 

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